Mercredi 23 décembre, je fais la crêpe dans mon lit alors que ce n’est pas encore l’heure de la chandeleur… Je tourne et tourne, incapable de dormir, à psychoter sur un défi auquel je fais face…

Merde alors, 20 ans de développement personnel, 10 ans de pratique méditative et je suis là, à ne pas pouvoir fermer l’œil à 3h du matin ! 

Le lendemain matin, je me dis que j’ai là le fil conducteur du premier des articles que je veux écrire sur la paix intérieure.

Cette expérience de psychote nocturne et le jugement par rapport à moi-même qui en suivi, me rappellent en effet une première clé sur la paix intérieure :

… quelque soit l’endroit où je me trouve sur mon chemin de développement personnel, la paix intérieure commence par le simple fait d’accepter de ne pas toujours être en paix, justement…

Ce fameux concept d’impermanence dont les grands sages bouddhistes parlent tant. Pourquoi tenter de rejoindre la rive, dans un effort surhumain, alors que je suis embarquée par un courant rapide ? Pourquoi ne pas simplement se laisser porter par ce courant – consciemment – et voir où il m’emmène ?

Rappelons-nous Carl Jung, qui lui-même disait si bien (une phrase que j’ai déjà utilisé dans cet article sur les pensées parasites et que j’adore car on peut en observer la pertinence dans tellement de situations…) :

« Tout ce à quoi je résiste persiste » 

(à cette citation s’est rajouté plus tard « et tout ce que j’embrasse s’efface »)  [1]

Ce matin là, au moment même où j’embrasse ma psychote, je reviens dans la légèreté. Je me mets un nez de clown virtuel et souris à cet état émotionnel qui m’agite. Je peux ainsi me mettre en position d’observateur par rapport à moi-même (et mon cerveau !) et remarquer que :

Derrière ces émotions désagréables et cette agitation, il y a un cerveau qui essaie de me dire quelque chose de très simple : « un ou plusieurs de tes besoins vitaux semblent contrariés ma cocotte »


Un principe fondamental du cerveau

Mes émotions sont des indicateurs hyper utiles de mes besoins vitaux. [2]*

Si je ressens des émotions désagréables, c’est que mon cerveau m’indique que mes besoins de survie lui semblent menacés. Si, par contre, je ressens des émotions agréables, c’est qu’il m’indique qu’il pense que mes besoins de survie vont, à priori, être satisfaits (Mode MENACE et Mode RECOMPENSE – cf. encadré ci-dessous).


MODE MENACE OU MODE RÉCOMPENSE : LA SOURCE DE NOS ÉMOTIONS

Notre cerveau a une mission fondamentale : celle d’assurer notre survie.

Pour cela, Dr Evian Gordon nous explique que notre cerveau suit un principe fondamental : celui de classer le monde autour de nous, soit dans la catégorie des choses qui vont m’aider à survivre, soit dans la catégorie des choses qui vont menacer ma survie. Chaque minute, chaque seconde, il scanne mon environnement, et toutes les informations venant de mes 5 sens ou de mes pensées, et orchestre ainsi l’activation d’un des deux modes principaux suivants : le mode Récompense (qui me motive à aller vers les choses qui semblent répondre à mes besoins de survie – les récompenses) ou le mode Menace (qui m’éloigne des choses qui semblent menacer mes besoins de survie – les menaces).[2] (voir aussi les travaux de Damasio [3])

 

Le mode Menace active, entre autre, la sécrétion d’adrénaline et de cortisol. Ces hormones déclenchent des comportements de fuite, d’attaque ou de paralysie. Je ressens des émotions désagréables (telles la peur, la colère, la tristesse, le dégoût) et mes capacités cognitives sont challengées (ma mémoire, ma capacité à trouver des solutions, mon attention, par exemple, sont limités).

Le mode Récompense, lui, active entre autre la sécrétion de dopamine qui va me motiver à aller vers ces choses qui semblent répondre à mes besoins de survie. Je vais ressentir des émotions agréables et mes capacités cognitives sont optimisées.

Mes émotions sont ainsi des indicateurs très utiles…

Mais de quels besoins parlons-nous ? Et comment le cerveau décide-t-il de ce qui constitue une menace ou une récompense ? 

* A savoir : nos émotions peuvent nous informer de bien plus que nos besoins fondamentaux. Notre alimentation, par exemple, a un impact sur nos émotions (voir cet article qui propose quelques références). L’idée que nos émotions nous indiquent nos besoins fondamentaux est importante, mais n’explique pas forcément toutes les situations. À vous de voir ce qui est pertinent pour vous et s’il est nécessaire d’explorer d’autres avenues derrière vos émotions.

Quels sont les besoins vitaux du cerveau ?

Abraham Maslow fut un des pionniers de l’idée que : tout ce que nous faisons, nous le faisons pour répondre à nos besoins. Et il ne pensait pas si bien dire. Si je bois (de l’eau…), c’est parce que mon cerveau détecte le besoin physiologique de m’hydrater et active les comportements qui vont aller vers cette « récompense ». Si je mange (lorsque j’ai faim), c’est parce que mon cerveau détecte une baisse de sucre dans le sang et active le gargouillement du ventre (ohhh merveilleux gargouillement de ventre qui décide toujours de s’exprimer dans les moments les plus opportuns…), et l’envie d’aller vers de la nourriture.

Mais les besoins vitaux du cerveau ne se réduisent pas qu’aux besoins physiologiques de base. Mon cerveau traite les besoins sociaux et d’identité comme des besoins de survie. [2] (pp 195-200)

Maslow lui même proposa quatre autres catégories principales de besoins humains, en plus des besoins physiologiques : besoins de sécurité, de lien social, d’estime de soi et de réalisation de soi.

Très récemment David Rock publia un autre modèle  – avouons-le très similaire – s’appuyant, lui, sur les dernières découvertes en neurosciences. Ce modèle propose 5 catégories de besoins vitaux du cerveau, en plus des besoins physiologiques (cf. encadré ci-dessous « Les besoins vitaux du cerveau selon David Rock ») : 

LES BESOINS VITAUX DU CERVEAU SELON DAVID ROCK [2] (pp. 195-200)

 

Mon cerveau passe donc son temps à scanner mon environnement externe et interne (ex : mes pensées) et à se poser la question : est-ce que cette situation, personne etc. va potentiellement menacer ou récompenser (satisfaire) mes besoins de Statut, de Certitude, d’Autonomie, relationnel, ou d’Équité ?

Si un de ces besoins semble contrarié mon cerveau active le mode Menace, c’est-à-dire les mêmes parties du cerveau que si ma vie était physiquement menacée !

 

Mais sur quoi le cerveau se base-t-il pour prendre cette ÉNORME décision ?

Il se base sur ce qu’il connait : ses bases de données. Ces données incluent des données innées mais aussi des données acquises – c’est à dire, toutes les expériences qu’il a enregistré depuis qu’il est né, qui sont bien sûr imprégnées de notre culture, notre éducation et nos diverses expériences personnelles, en plus de notre patrimoine génétique. [3] Il va ainsi comparer la situation à laquelle il fait face, aux situations vécues précédemment (et en particulier aux émotions qui ont été ressenties à ce moment là), et créer des associations entre elles. C’est ainsi qu’il va déterminer, par comparaison, si la situation est à priori une menace ou une récompense. Cette analyse est essentiellement faite par le système limbique inconscient (en particulier l’amygdale et le cortex cingulaire antérieur) et le cortex préfrontal (cf. encadré ci-dessous « L’interprétation du cerveau : émotions primaires et secondaires »). [3]

Autant vous dire que cette décision du cerveau est très subjective, pas forcément « vraie » et en plus, elle est prise par une partie inconsciente du cerveau, 1/2 seconde avant même que nous n’en prenions conscience – SI nous en prenons conscience ! [2]

L’INTERPRÉTATION DU CERVEAU : ÉMOTIONS PRIMAIRES ET SECONDAIRES

Pour les férus de neuroscience sur les émotions, je vous invite à lire le livre d’Antonio Damasio Descartes’ Error: Emotion, Reason and the Human Brain (version française disponible : L’erreur de Descartes : La raison des émotions). Il y explique sa vision des mécanismes d’interprétation du cerveau et de génération des émotions. En particulier, il propose des mécanismes neuronaux différents, selon qu’il s’agit d’émotion primaire (émotions plus innées, que possède l’enfant) ou secondaire (émotions d’adulte, construites sur la base des émotions primaires et de notre expérience vécue) : les émotions primaires impliqueraient essentiellement le système limbique pour interpréter la situation alors que les émotions secondaires impliqueraient le système limbique ainsi que le cortex préfrontal.


Explorer les besoins de mon cerveau derrière mon chaos intérieur

Lorsque je vis un chaos intérieur, je peux alors consciemment aller explorer les besoins que mon cerveau cherche à exprimer au travers de mes émotions.

Quel(s) besoin(s) fondamental(aux) semble(nt) contrarié(s) du point de vue de mon cerveau ? Est-ce le besoin de statut, de certitude, d’autonomie, relationnel ou d’équité ?

Pour reprendre mon exemple de psychote nocturne cité plus haut, l’idée que je me faisais du challenge auquel je faisais face amenait sûrement mon cerveau à se sentir menacé sur plusieurs besoins, par exemple :

  • besoin de certitude : « comment est-ce que ça va se passer cette fois-ci ?! » se dit-il
  • besoin d’équité : « si ça se passe comme je pense que ça va se passer alors tes besoins d’équité vont être challengés car tu vas sûrement être face à des comportements qui ne te semblent pas justes ou respecter tes limites et besoins ! »
  • besoin d’autonomie : « et puis tu vas peut-être ne pas pouvoir être libre de faire ou dire ce que tu veux »
  • besoin relationnel: « et puis la relation va sûrement être endommagée »
  • besoin de statut : « et ta place dans ce système relationnel va être challengée voire même perdue ! »
Dans cet exemple, 5 des 5 catégories de besoins sont potentiellement menacées! On se retrouve face à un mode Menace +++++ !
  
Mais si on regarde bien, la plupart de ces interprétations du cerveau sont en fait bien exagérées (voir « Gare aux mammouths » plus bas) et s’appuient sur des scénarios futurs qui ne sont même pas encore arrivés… Il s’est avéré qu’en creusant un peu, je me suis rendue compte que le vrai fond du problème était que je portais des choses qui en fait ne m’appartenaient pas, que mon cerveau percevait sûrement ça comme une injustice, une entrave à mon autonomie, et sans aucun doute une entrave à une relation paisible et riche. En fait cette psychote nocturne était une chose magnifique car elle me montrait à quel point cette situation m’affectait et qu’il était temps que je me mette à l’action pour l’apaiser – car en y réfléchissant j’étais moi aussi responsable de ce qui se passait, je co-construisais cette difficulté !

  

Gare aux mammouths !

 

Comme indiqué ci-dessus, mon cerveau avait tendance à imaginer les pires scénarios possibles et imaginables. Pourquoi une telle torture cérébrale ? Peut-être, comme le dit Jonathan Haidt, est-ce parce que nous sommes les descendants d’hommes préhistoriques qui étaient programmés pour avoir peur vite et bien.[2,4] Ces hommes préhistoriques devaient, eux, survivre face à de gros challenges, mammouths ou autres bêtes sauvages ! Alors certes, aujourd’hui nous nous n’avons plus affaire aux mammouths, mais il semblerait que nous ayons gardé ce mécanisme de défense…

Faute de mammouths aujourd’hui, il nous faut bien nous faire peur avec autre chose ! 

(voir encadré ci-dessous : « le mode menace est plus facile à activer que le mode récompense »

LE MODE MENACE EST PLUS FACILE À ACTIVER QUE LE MODE RÉCOMPENSE

Voici un extrait du livre de David Rock qui explique que nous sommes programmés à voir des mammouths…
« En plus d’être plus anxieux qu’heureux, le système limbique s’active beaucoup plus intensément quand il perçoit un danger que quand il perçoit une récompense. L’activation causée par un danger est aussi plus rapide, dure plus longtemps, et est plus difficile à faire bouger. Même l’émotion ‘toward’ (signifie ‘vers’, ce sont les émotions ressenties lorsque le mode récompense est activé et qui nous donnent envie d’aller vers la récompense) la plus forte, le désir, ne vous fera probablement pas courir, par contre la peur peut le faire en un instant. (Placez une araignée en plastique sur la main de quelqu’un pour observer cette caractéristique). Les émotions ‘toward’ sont plus subtiles, plus facilement changeables et plus difficilement mises à profit, que les émotions ‘away’ (signifie s’éloigner de, ce sont les émotions ressenties lors du mode menace qui nous font nous éloigner de la menace). Cela explique pourquoi les cercles vertueux (‘upward spiral), où les émotions positives amènent d’autres émotions positives, sont moins courants que les cercles vicieux (‘downward spiral’) où les émotions négatives amènent plus d’émotions négatives. Les êtres humains marchent vers (les récompenses) mais s’éloignent en courant (des menaces). » Traduction C. Lauret, p 107 du livre anglais « Your brain at work » – ce livre existe aussi en français)

 Maintenant, qu’est-ce que je fais de tout ça ?

C’est bien beau tout ça, mais qu’est-ce que j’en fais ?

  • 1ère Etape : J’embrasse mon chaos intérieur
    J’accepte mon état présent en me disant que mon cerveau inconscient essaie de  me dire quelque chose.
  • 2ème Etape : Je questionne grâce à mon cerveau conscient 
    Je questionne la validité et l’intensité de l’interprétation inconsciente de mon cerveau. Après tout, mon cerveau fait ce qu’il peut, avec son expérience, ses références, et parfois il se trompe sur l’importance ou la validité de ses interprétations et jugements. Peut-être ne suis-je pas face à un mammouth, mais bien à une petite souris…
  • 3ème Etape : J’identifie les vrais besoins de mon cerveau
    Le(s)quel(s) des besoins de Statut, Certitude, Autonomie, Relationnel, Équité semble(nt) contrarié(s) ?
  • 4ème Etape : Je me mets à l’action
    Quelles actions dois-je mettre en place pour satisfaire ces besoins (et me donner une petite dose de dopamine!), d’abord par moi-même, plutôt que d’attendre que les autres le fassent pour moi ? Quelles conversations courageuses dois-je avoir pour exprimer mes besoins et poser une demande concrète à l’autre, afin de voir ensemble comment y répondre, si ces besoins impliquent d’autres personnes ? Mais encore sur quelles choses dois-je finalement lâcher-prise ?
  • 5ème Etape : Je manage mes attentes et avance pas à pas
    Peut-être me faut-il aussi manager mes attentes par rapport à moi-même. Chaque attente irréaliste que j’ai par rapport à moi-même me prépare à un sérieux crash de dopamine. [2] (pp 137-151) Il me faut donc avancer petit pas par petit pas.
  • Se faire accompagner
    Et puis si mon chaos intérieur est dû à un traumatisme important, ou a des effets récurrents et très impactant dans ma vie, alors  pourquoi ne pas m’offrir le cadeau de me faire accompagner par un thérapeute afin d’aller mieux beaucoup plus vite !

 

 

Photographie par Nigel Walshe

Pour ma part, ma psychote nocturne m’a enseigné plusieurs choses comme je le disais : d’une part que le fond du problème était que je portais des choses qui en fait ne m’appartenaient pas (alors qu’on ne me l’avait pas directement demandé !), que mon cerveau devait être en mode menace sur ses besoins d’équité/justice, d’autonomie, et relationnel entre autre. J’ai pris conscience de ma propre responsabilité dans ce challenge et que l’action à mener était d’avoir une conversation courageuse pour exposer mes difficultés et trouver une solution avec les personnes impliquées. Mais encore, j’ai pris conscience qu’il me fallait lâcher-prise big time sur les choses que je ne contrôlais pas dans cette situation… Quelle idée de vouloir contrôler l’incontrôlable !

Nul doute que cela n’est pas la fin du chapitre car non, je ne suis pas le Bouddha, ou autre personnage représentant cette grande sagesse et paix intérieure. Mais il y a une chose que je sais : si chaque jour, je m’accepte telle que je suis – avec ma lumière et mon ombre – et je m’arrange pour mettre des actions simples en place afin de remettre mon cerveau conscient aux commandes – plutôt que de me laisser contrôler par mon cerveau inconscient – alors tout ira bien qui finit bien… 

Retrouvez et article en version courte sur le site BloomingYou – un site bourré de trucs et astuces – en suivant ce lien

Références

[1] – “What you resist persists.” But what did Jung really mean by this? »

[2] – David Rock, « Your Brain at Work: Strategies for Overcoming Distraction, Regaining Focus, and Working Smarter All Day Long « , HarperBusiness Edition, 2009, pp. 105 (version française: Votre cerveau au bureau : Le mode d’emploi efficace),

[3] – Antonio Damasio, Descartes’ Error: Emotion, Reason and the Human Brain pp 127-164 (version française : L’erreur de Descartes : La raison des émotions)

4 – Jonathan Haidt, « The Happiness Hypothesis: Putting Ancient Wisdom to the Test of Modern Science« , version française : The Happiness Hypothesis: Putting Ancient Wisdom to the Test of Modern Science

 

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